Au décès de leur dernier parent, les enfants héritent parfois d’une maison familiale. Pour gérer cette propriété commune en évitant les conflits, plusieurs solutions s’offrent à eux.

Rester dans l’indivision

Vous voilà, avec vos frères et sœurs, héritiers d’une maison familiale. Quels que soient vos projets, chacun devient propriétaire d’une quote-part indivise, c’est à dire une fraction théorique de la maison. En l’absence de parent survivant, les enfants héritent à égalité de la totalité de la succession, à moins que les parents aient prévu une autre répartition par testament. Pour rester en indivision, une entente au sein de la fratrie est indispensable, car chaque indivisaire conserve le droit de provoquer le partage de la succession.

Si le Code civil impose aux héritiers de contribuer aux dépenses à proportion de leur quote-part, tous ne disposent pas de moyens financiers identiques, ne partagent pas forcément les mêmes objectifs et, du coup, ne montrent pas forcément un empressement similaire pour changer la chaudière ou entretenir le jardin. Des blocages peuvent ainsi surgir rapidement.

C’est pourquoi, il est conseillé dès le départ de stabiliser l’indivision. Comment ? En désignant l’un des indivisaires ou un tiers pour administrer le bien couramment. « Mieux vaut établir ce mandat par écrit en précisant les pouvoirs du mandataire, la nature des travaux qu’il peut réaliser sans demander le consentement des autres, et les conditions financières de la gestion (rémunération éventuelle du mandataire, ouverture ou non d’un compte bancaire dédié…) », recommande François Xavier Testu, avocat. Le gérant doit tenir un état des recettes et des dépenses et rendre des comptes au moins une fois par an. Il engage sa responsabilité pour ses fautes de gestion, tout indivisaire pouvant lui demander de lui communiquer les documents concernés (factures, avis d’imposition…).

Autre conseil de l’avocat : « si la maison héritée devient une résidence secondaire commune, les héritiers ont intérêt à fixer, toujours par écrit, les règles d’occupation : par exemple, location jusqu’à la mi-juillet pour dégager des revenus servant à payer les impôts locaux, réservation de la maison les impôts locaux, réservation de la maison pour deux semaines de vacances par indivisaire à effectuer le 1er avril au plus tard, etc. » Dans tous les cas, rien n’empêche d’établir une convention d’indivision devant notaire qui limite le droit au partage et sécurisé ainsi l’indivision.

Racheter la part des autres

La maison parentale connaît un autre sort si, au décès du dernier parent, un seul enfant souhaite la conserver. La démarche consiste à racheter la part des autres, ce qui nécessite de se mettre d’accord sur le prix du bien. Dans ce cas, les intérêts risquent fort de diverger… Aussi, pour éviter tout litige, il est préférable que chaque indivisaire sollicite une spécialiste de l’immobilier (agent, notaire) en vue d’obtenir une estimation écrite.

Une fois le prix déterminé d’un commun accord, il faut procéder au rachat des parts, en se rendant chez le notaire chargé de rédiger l’acte notarié. Cette opération induit des frais d’actes, mais un coût fiscal limité puisque l’impôt sur les successions a déjà été payé.

« On peut aussi prévoir de se faire un cadeau entre indivisaires, les vendeurs cédant leur part à prix inférieur à celui du marché pour remercier leur frère ou sœur de conserver la maison parentale dans la famille, indique François Xavier Testu. La solution : faire insérer dans l’acte notarié une clause qui prévoit par exemple qu’en cas de revente du bien dans les cinq ans à un prix plus élevés, le propriétaire de la maison verse aux autres un complément de prix. »

Vendre à ses cohéritiers

De la même façon que vous pouvez racheter les parts de vos frères et sœurs, vous êtes en droits de leur vendre un fraction de la maison parentale. Vous pouvez aussi soumettre votre proposition de rachat à une personne extérieur à la fratrie, à condition d’en informer par huissier les autres indivisaires (prix, conditions, identité de l’acheteur). Car vos frères et sœurs ont un droit de préemption, ce qui signifie qu’ils sont prioritaire pour l’acquisition de votre part. En revanche, « le rachat de part par l’un des indivisaires n’est pas soumis au droit de préemption urbain ; la commune ne peut donc pas acquérir le bien », signale Odilon Vasse, notaire à Langogne (Lozère).

Une fois prévenus, vos co-indivisaires disposent d’un mois pour répondre à votre offre e rachat aux conditions et aux prix présentés. Les indivisaires ayant répondu positivement ont ensuite deux mois pour procéder à l’achat.

Vendre le bien à l’unanimité

Au décès du dernier parent, les héritiers peuvent aussi s’entendre pour vendre la maison parentale à une personne étrangère à l’indivision. Il faut alors convenir d’un prix de vente. Chacun ayant intérêt à vendre le bien aux prix le plus élevés possible – il y a ici une conjonction d’intérêts et non un conflit comme dans les cas évoqués ci-dessus -, il suffit de contacter un seul spécialiste de l’immobilier (agent ou notaire) pour connaître la valeur de la maison et fixer le prix de vente. Si la vente a lieu dans les six mois suivant le décès, le notaire la règle en même temps que la succession, ce qui procure un avantage fiscal : le prix de vente étant déclaré, on évite de le sous évaluer par la suite -, mais aussi de le surévaluer – ce qui pourrait augmenter les droits de succession.

Gérer un désaccord entre héritiers

Si l’un des héritiers membres de la fratrie refuse de vendre la maison parentale, qu’il juge bradée par exemple, les autres indivisaires ne sont pas bloqués pour autant, sous réserve de représenter les deux tiers des droits indivis. Ils sont en effet autorisés à saisir le tribunal de grande instance dont dépend le domicile du défunt. Le juge nomme alors un expert judiciaire afin de déterminer la valeur de la maison. Ensuite, soucieux de préserver l’intérêt commun, il donne son feu vert à la vente si l’acquéreur proposé par les indivisaires est prêt à acheter le bien à un prix proche de celui fixé par l’expert. Cette procédure, possible depuis la réforme de 2009, nécessite l’assistance d’un avocat.

A contrario, un seul indivisaire peut aussi provoquer le partage, une fois constaté le désaccord de tous sur un partage amiable. Et cela en vertu d’une principe proposé par le Code civil, selon lequel « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision ». La procédure peut durer plusieurs année, ponctuée d’expertises, ce qui risque de générer des frais.

Au final, le juge ordonne soit le partage en nature du bien, quand c’est possible, soit la vente aux enchères, ce qui constitue la pire des solutions sur le plan financier. Toutefois « la vente aux enchères ouverte aux seuls héritiers est une option possible, si tous sont d’accord », complète François Xavier Testu.